Articles | Volume 384
https://doi.org/10.5194/piahs-384-113-2021
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16 Nov 2021
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Erosion fluviale et mutations morphométriques du drainage dans le secteur aval du barrage de Lagdo (Bassin de la Bénoué, Nord-Cameroun)

Félix Mbele Abbo
Résumé

La présente étude s'intéresse à la dynamique du drainage de la Bénoué, par comparaison de deux situations à savoir, celles d'avant et après implantation d'un barrage à Lagdo (1975–2016). En effet, jusqu'en 1983, aucun barrage n'existait sur la Bénoué. La mise en place de cet ouvrage a non seulement modifié l'équilibre environnemental du bassin versant, mais actionné des dynamiques humaines et physiques importantes. On y note une modification des modules hydrologiques, tandis que les processus morphogéniques se sont accélérés dans le secteur aval, et se révèlent à travers des glissements fréquents de berges. Il est question dans ce travail de caractériser l'évolution du drainage par l'entremise des indicateurs morphométriques et d'en évaluer les impacts ou enjeux. Pour ce faire, des observations de terrain ont été faites, des enquêtes/entretiens ont été menés auprès des riverains, et une base de données géoreférencées a été constituée sous Qgis 2.6.1 afin de faciliter les analyses diachroniques du drainage. Il en ressort que les activités morphogéniques ayant cours dans ce secteur sont de plus en plus actives. Il y a également une revalorisation positive des caractéristiques actuelles des méandres, comparativement à la situation de 1975. Les longueurs d'onde et les amplitudes des méandres n'ont connus que de légères modifications, tandis que la largeur moyenne des sections est régulièrement passée de 121,77 m en 1975 à 169,08 m en 2016. En comparant les différentes sections définis dans le cadre de cette analyse, on se rend également compte que les largeurs érodées plein bord s'étendent en moyenne de 1,47 m an−1, alors que les pertes en terre par section sont de l'ordre de 0,63 ha an−1. Globalement, les impacts évalués ou ressentis s'avèrent non négligeables d'où les propositions faites afin de juguler l'aléa.

1 Introduction

L'érosion fluviale est de loin l'une des formes de météorisation les plus constantes et les plus dynamiques dans l'espace. Elle se développe notamment dans les hydrosystèmes sous les formes linéaire, régressive ou de masse, et dépendent des influences répétées de l'eau courante sur les berges. Celles-ci procèdent à l'enlèvement de la matière, à son transport ou à son accumulation, selon la force de l'écoulement, ou suivant les différents mouvements intrinsèques au fluide (Saint-Laurent et al., 2002; Lacoste, 2003). Vue sous cet angle, l'érosion fluviale est un processus délicat du fait de la sensibilité de ses variables, mais aussi de l'ampleur de ses conséquences, qui peuvent dans certains cas s'avérer importantes.

Les facteurs d'évolution des systèmes érosifs fluviaux sont multiples. Il est en effet admis depuis le Néolithique que nos paysages sont une co-construction régie à la fois par les dynamiques environnementales et sociétales (Carcaud, 2016). Même si ces deux familles de facteurs restent poignantes, l'acception la plus admise de nos jours par l'ensemble des scientifiques est que ces dynamiques environnementales et sociétales sont de plus en plus accélérées, notamment à cause d'une fréquente variabilité du climat et d'un accroissement démographique toujours constant. Ces dernières s'opèrent par une diversification des activités anthropiques, une densification des exploitations dans l'espace, ou parfois par une désorganisation des schémas d'occupation des terroirs, souvent liée à la mise en œuvre des pôles agroindustriels ou des mégastructures telles que les barrages hydroélectriques.

Le cadre de cette étude (bassin versant de la Bénoué) est une vaste cuvette dont l'altitude moyenne varie entre 300 et 400 m. Il couvre une superficie d'environ 340 000 km2 et représente un peu plus de 8 % de la superficie totale du bassin du Niger (ABN, 2008). Dans l'espace camerounais, la Bénoué a une longueur totale estimée à 350 km, dont 220 km en amont du barrage et 130 en aval. Son lit majeur est une vaste zone d'inondation constituée de cuvettes latérales en amont de la ville de Garoua (Tchotsoua et al., 2007). On y distingue trois sous-bassins à savoir : le sous bassin de la haute Bénoué, celui du mayo Kébi, et le sous bassin du Faro (Fig. 1).

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Figure 1Localisation (a) et oro-hydrographie (b) du cadre de l'étude.

Le tronçon étudié dans le cadre de cet article va de la confluence mayo Kébi-Bénoué à celle du Faro-Bénoué. Il est long d'environ 100 km, et est compris entre les coordonnées 91716.32′′ N–133248.74′′ E et 91959.99′′N–12550.16′′ E. L'ensemble du bassin versant est soumis à un climat soudanien à deux saisons (sèches et de pluie), et reçoit des moyennes ombrothermiques de l'ordre 1000 mm par an de pluie et de 28 C respectivement (Olivry, 1986).

La mise en eau du barrage sur la Bénoué a Lagdo a provoqué une reconfiguration de l'hydrographie de la Bénoué supérieure (mise en place du lac de retenu), et en même temps, une restructuration fonctionnelle de la section avale. En effet, avant la mise en place du barrage, les étiages étaient sévères à certaines périodes de l'année, tandis que de nos jours, on assiste à une valorisation du niveau des écoulements, assortie d'une accélération des processus morphogéniques, notamment le long du tronçon compris entre Lagdo et la frontière Cameroun-Nigéria. Dans ce contexte, on se pose alors la question de savoir comment s'opère la dynamique du drainage dans le secteur aval au barrage de Lagdo et quels en sont les enjeux et impacts ? Il est dès lors question de caractériser l'évolution du drainage par l'entremise des indicateurs morphométriques et d'en évaluer les enjeux. L'atteinte des objectifs ainsi énoncés passe cependant par la mise en œuvre d'une méthodologie qu'il convient de présenter.

2 Matériels et méthodes

La méthodologie développée dans le cadre de ce travail se fonde sur la collecte des données secondaires, les observations de terrain, les enquêtes menées auprès des riverains, les entretiens, et le montage d'une base de données géoréférencées sous Qgis 2.6.1 afin de procéder aux analyses diachroniques qui s'imposent.

2.1 La collecte des données secondaires

La collecte des données secondaires a été faite auprès des structures telles que la Mission d'Etudes pour l'Aménagement et le Développement de la région du Nord (MEADEN), dans les centres de documentation et les bibliothèques des Universités de Ngaoundéré, Maroua, et Yaoundé I, ou sur les moteurs de recherche d'Internet. Il était question de procéder à la recension des écrits afin d'asseoir les bases théoriques et épistémologiques de l'étude.

2.2 Les observations de terrain

Les observations de terrains ont été faites en suivant fidèlement le drainage d'amont en aval, dans l'optique d'apprécier les réalités morphohydrologiques via les formes de berges, la configuration des méandres, ou celles des bancs de sables s'organisant dans le lit mineur de la Bénoué. Il a été aussi question de faire des prises de vue afin d'illustrer le travail.

2.3 Les enquêtes menées auprès des riverains

Elles ont été menées auprès de 478 personnes réparties dans 15 villages. Il était question de collecter via l'administration des questionnaires préalablement apprêtés des informations sur la perception et l'évaluation locale du phénomène, de même que les solutions envisageables. Lors de cette activité, l'accent était particulièrement mis sur des personnes ayant passé au moins vingt ans dans le bassin, et ayant une certaine appréhension du phénomène étudié.

2.4 Le montage d'une base de données géoréferencées

Il s'est agi de compiler les résultats des classifications supervisées des images satellitaires de 1975 et 2016 sous Qgis 2.6.1 afin de procéder aux analyses diachroniques. Cette technique a permis à terme de quantifier les mutations morphométriques du drainage, ainsi que les impacts qui leur sont liés (longueur des flèches d'érosion, taux d'érosion des berges, etc.). L'ensemble des données collectées a été traité, puis analysé selon des procédés plus ou moins différents, conformément à leur nature.

3 Résultats

3.1 Une érosion fluviale fondée sur les glissements récursifs des berges

L'érosion est un des processus physiques dont les actions et formes varient selon les contextes bioclimatiques. La prise en compte de ce postulat permet d'identifier des modèles érosifs discrets ou lents, tandis d'autres s'avèrent brusques ou inattendus dans l'espace.

3.1.1 Les formes de glissement de berges observées en aval du barrage de Lagdo

L'érosion des berges s'appréhende comme un phénomène régressif contribuant à l'enlèvement progressif de matériaux suite à l'action des forces liées à un écoulement turbulent ou abondant. Cette forme d'érosion est inéluctablement associée au fonctionnement naturel d'un cours d'eau, et procède d'un plan opératoire en fonction duquel les berges se déstabilisent progressivement par glissement. En se fondant sur la définition de l'érosion de berges, il s'en dégage que le glissement peut s'opérer soit par sapement ou par arrachement, suite à l'action opposée du fluide en mouvement. On distingue en fonction de l'un ou l'autre cas plusieurs formes de glissement de berges dans le cadre d'étude. Celles-ci se révèlent en surface à travers des fissures de rupture bien incisées dans les berges (Fig. 2) à partir desquelles le décollement s'amorce avant la rupture totale.

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Figure 2Amorce de déstabilisation d'une berge non loin de Kokoumi, 91822.76′′ N–125943.99′′ E. Cliché : Félix Mbélé Abbo.

L'illustration ci-dessus révélé une entaille ouverte parallèlement au regard de la berge. Ce décollement en direction du cours d'eau démontre que la base de la masse sédimentaire est en train d'être sapé suite à l'action de l'érosion. Il s'agit d'un processus qui s'observe presque continuellement le long du cours d'eau, même si certains secteurs semblent plus exposés que d'autres du fait de l'organisation en méandres ou de la nature fortement sableuse des berges.

3.1.2 Une prédisposition morphogénétique fondée sur la forme et la richesse sableuse du drainage

Le tronçon en étude est particulièrement structuré en méandres libres et semble très peu encaissé dans une importante masse sédimentaire, particulièrement sableuse. Il s'agit d'un ensemble constitué de sinuosités opposant alternativement des rives concaves aux rives convexes. De ce fait, les dynamiques hydro-sédimentaires s'opèrent de façons plus ou moins différentes selon que l'on est sur une ou l'autre forme de rive. La vulnérabilité des berges se fonde dès lors sur le fait que les sols dominants sont sableux à sablo-limoneux. Compte tenu de l'ampleur des écoulements, ces sols s'érodent facilement pour peu qu'une crue se manifeste.

3.2 La dynamique des caractéristiques morphométriques du tronçon d'étude

Le méandrage apparait de par sa définition comme une forme de drainage continuellement entretenue par l'équilibre hydrodynamique du cours d'eau. Même si l'appréhension de ce postulat semble évidente, Malavoi et Bravard (2010) proposent une méthodologie de caractérisation et d'évaluation qui se fondent sur un ensemble de dimensions précises et répertoriées.

3.2.1 Les dimensions du drainage avant la mise en eau du barrage

Les caractéristiques morphométriques mises en valeur dans cette étude sont de plusieurs types. Elles se rapportent globalement à la largeur du lit à plein bord (w), à la longueur d'onde (λ) du méandre, à son amplitude (A), au rayon de sa courbure du méandre (Rc), et à la longueur de son arc (L arc) entre autres.

Le tronçon d'étude fait environ 100 km de long et serpente un vaste lit sédimentaire s'étendant sur plusieurs centaines de km2. Compte tenu donc de la diversité des formes développées par le cours d'eau, il semblait intéressant de structurer ledit tronçon en neuf (9) «sections morphologiquement homogènes». Cela a permis de faire des mesures beaucoup plus précises, tant sur le terrain que via le système d'information géographique, d'opérer sur la base des réalités du terrain des analyses acceptables, et même de comparer les sections entre elles. Les différents morcellements du tronçon transparaissent sur la carte suivante (Fig. 3). La logique de distinction des sections tient principalement à leur forme, à l'homogénéité des manifestations érosives observées, et aux types d'occupation des sites en présence.

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Figure 3Visualisation des différentes sections d'analyse du tronçon d'étude.

La délimitation des sections d'analyse telle que présentée par la figure précédente s'avère aléatoire, mais fait suite à une compilation des tronçons de deux époques distantes de quatre décennies. L'évaluation de la situation de 1975 vise à présenter l'état du bassin bien avant le début des travaux de mise en place du barrage hydroélectrique à Lagdo. Cela a permis d'appréhender «l'état initial» du drainage avant la restructuration des écoulements du fait du barrage. Les données obtenues se révèlent à travers le tableau suivant (Tableau 1).

Tableau 1Caractéristiques morphométriques des méandres en 1975.

Source : Base de données SIG, août 2016.

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Si l'on s'intéresse de façon détaillée à quelques-unes des variables contenues dans le tableau ci-dessus, on constate que la largeur moyenne des sections était de 121,77 m en 1975. La longueur d'onde et l'amplitude des méandres sont tout aussi impressionnantes. Leurs moyennes sont respectivement de 4,859 et de 2,101 km.

3.2.2 Les mutations morphométriques observables de nos jours

Contrairement à la situation de 1975, les caractéristiques de 2016 (Tableau 2) correspondent à une hydrodynamique plus ou moins régulée. En effet, depuis la mise en eau en 1983, le secteur aval du barrage est ancré dans une forme d'exacerbation de l'érosion fluviale du fait de la constance des écoulements et de l'effet des débits dérivants des phénomènes hydrologiques extraordinaires (inondations majeures).

Tableau 2Caractéristiques morphométriques des méandres en 2016.

Source : Base de données SIG, août 2016.

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Il se dégage de ce tableau, qu'il y a une revalorisation positive de l'ensemble des données obtenues, lorsqu'on compare les deux situations de 1975 et de 2016 (Tableau 3).

Tableau 3Analyse comparée des largeurs et longueurs d'onde des méandres entre 1975 et 2016.

Source : Base de données SIG, août 2016.

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Au vu du tableau ci-dessus, on note une revalorisation de la largeur moyenne des sections qui est passée de 121,77 m (en 1975) à 169,08 m (en 2016). Contrairement à cette situation, les longueurs d'onde n'ont connues que de légères modifications (1,17 %), dans la mesure où on est respectivement passé d'une moyenne de 4,859 km (en 1975) à 4,917 km (2016). L'érosion fluviale s'exacerbe donc de plus en plus le long du cours de la Bénoué. Toutefois, les données obtenues semblent discutables.

3.3 Les formes de transmutation du lit et leurs conséquences

Ces transmutations du drainage se révèlent à travers des indicateurs précis et sont porteuses d'enjeux importants.

3.3.1 Les indicateurs d'évolutions morphométriques du drainage

En dehors des modifications mises en évidence plus haut (section par section), les transmutations observables dans le secteur aval de la Bénoué présentent plusieurs formes, mais obéissent à des principes physiques plus ou moins semblables. La compilation des tronçons d'époque différente dans un Système d'Information Géographique monté sous QGIS a permis d'approfondir les analyses sur la base du support suivant (Fig. 4).

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Figure 4Dynamique des méandres en aval de Lagdo entre 1975 et 2016.

L'observation de cette carte permet de se rendre compte que les méandres sont dynamiques dans l'espace. Les décalages par sections sont compris entre 60 et 200 cm soit un taux de recul des berges de 1,206 m an−1.

Il se dégage des analyses que le cours d'eau procède globalement à une translation qui s'effectue notamment dans le sens de l'écoulement. Mais à y voir de près, chaque section développe une évolution plus ou moins particulière. Cela s'explique par le fait que chaque maillon de ce tronçon se caractérise par un indice de maturité différent (compris entre 1,5 et 11,84) dérivant de la diversité des sous-contextes pédologique, géomorphologique et hydrologique observables le long du drainage. On assiste alors à une mise en évidence de deux anabranches (sections 1 et 8) et de plusieurs extensions de méandres, notamment au niveau des sections 2, 3 et 9, tandis que les types d'évolution les plus importants s'apparentent à la création des bras morts (entre les sections 6 et 7). Les largeurs érodées plein bord quant à elles s'étendent en moyenne de 1,47 m an−2, avec des valeurs extrêmes comprises entre 0,78 m an−2 et 2,30 m an−2 respectivement.

3.3.2 Les enjeux et les solutions envisageables face à l'aléa

Les mutations du drainage de la Bénoué sont des réalités aux conséquences non négligeables. D'après les résultats d'enquête, le secteur d'étude concentre à lui seuls plus de la moitié (51 %) d'agriculteurs, 42 % d'éleveurs, et 65 % de pêcheurs du bassin. Il s'agit dans l'ensemble d'une population préoccupée par les conséquences de ces activités morphogéniques, qui se révèlent à travers des pertes en terre de l'ordre de 0,63 ha an−2. Même si la population dans sa majorité (86 %) estime que l'érosion des berges est difficile à maitriser, les solutions envisagées se rapportent aux techniques telles que l'enrochement des berges ou la végétalisation des sites. Cependant, l'application de ces mesures gagnerait à passer par la vulgarisation de l'agroforesterie, à travers l'adoption des plantes locales, ayant des systèmes racinaires adéquats, et qui soient par ailleurs susceptibles d'apporter une plus-value (fruits, bois énergie, bois d'œuvre, haies-vives, etc.) aux populations déjà économiquement vulnérables.

4 Discussions

L'évolution morphométrique du drainage est une réalité courante à tous les cours d'eau, surtout en contexte de modification des paramètres d'écoulement. En effet, les ouvrages hydrauliques ont souvent eu pour effet de perturber les évolutions naturelles, soit en les limitant ou en déclenchant des processus parfois accélés (Dzana, 2000; Aubry, 2012; Amassou et al., 2012; Bahin et al., 2017; Mbélé Abbo, 2018; Nzango, 2018). Pour le cas d'espèce, l'analyse diachronique (1975 et 2016) du secteur aval de ce barrage révèle trois résultats importants. Il s'agit de la variabilité de l'élargissement du drainage (compris ici entre 121,77 et 169,08 m) qui peut se justifier par la hausse globale des débits journaliers, due à un régime d'exploitation mixte promouvant à la fois l'exploitation hydroélectrique du barrage et le transport fluvial d'une part, et les apports hydrologiques liés au libre fonctionnement du mayo kébi (sous affluent non barré et alimentant le secteur aval) d'autre part. Les deuxième et troisième résultats se rapportent respectivement à l'évolution des largeurs érodées plein bord (moyenne 1,47 m an−2), et aux pertes en terre estimées en moyenne à 0,63 ha an−2. L'évolution morphogénique de la Bénoué dans ce secteur est donc préoccupante, même si les manifestations érosives caractérisées n'ont ni la même fréquence encore moins la même occurrence partout. Ainsi, en se fondant sur les études menées sur le Logone ou le mayo kaliao par des auteurs tels que Kossoumna Liba'a et Djarsoumna Kainaramsou (2017), Kana (2017) ou Djarsoumna Kainaramsou et al. (2019), on note à quelques différences prêtes une convergence des taux de recul des berges (1,206 m an−1) ou des pertes en terre, alors que les cours d'eau étudiés se situent dans des milieux bioclimatiques plus ou moins distincts. Il se dégage à contrario des travaux de Dzana (2000) et de Saint-Laurent et al. (2002) des taux de recul encore plus faibles (soit 0,50 m an−2). Cela peut être lié à la méthodologie de quantification choisie les auteurs, à la faiblesse des écoulements, à l'effet limitant de la végétation rivulaire, ou simplement à la nature des berges en présence.

Quoi qu'il en soit, cette étude a en fin de compte le mérite d'avoir évalué les impacts morphométriques des écoulements plus ou moins contrôlés sur les berges de la Bénoué. Elle a permis de fournir plusieurs types de données caractéristiques d'une réalité longtemps identifiée, mais très peu quantifiée. La mise en œuvre d'une analyse diachronique associée aux observations de terrain aura permis d'obtenir des informations importantes sur les transmutations du drainage. Cependant, les données en présence auraient été plus significatives si elles avaient aussi subi des tests statistiques particuliers. Les enjeux et les impacts autour des glissements de berges ont été évalués. Toutefois, la quantification des masses sédimentaires évacuées par le cours d'eau, l'analyse de la dynamique des charges solides s'avèrent être des thématiques susceptibles de compléter la connaissance sur le sujet.

5 Conclusion

Il apparait au vu de tout ce qui précède que la dynamique morphométrique du tronçon aval au barrage de la Bénoué se fonde à la fois sur la modification des conditions naturelles de drainage et sur l'évolution des contextes d'exploitation du cours d'eau. Ces facteurs peuvent être associés aux conditions d'occupation des rives pour expliquer les écarts notés lorsqu'on compare les paramètres morphohydrologiques du tronçon d'étude entre 1975 et 2016. Les résultats évoqués plus haut ont démontré que les méandres sont en transmutation progressive selon le sens des écoulements, même si les impacts morphogéniques observés le long des berges diffèrent selon les sections. Toutefois, ces modifications ne comportent pas que des effets négatifs dans les mesures où elles procèdent aussi à des dépôts alluvionnaires qui enrichissent les berges et par ricochet favorisent l'émergence d'une agriculture de contre-saison. La stabilisation des berges s'avèrent donc être un impératif tant pour les acteurs que pour les décideurs, mais il convient d'en bien étudier les contours afin de les solutionner judicieusement.

Disponibilité des données

Les données utilisées dans cet article peuvent être demandées par l'auteur.

Intérêts concurrents

L'auteur déclare qu'il n'a aucun conflit d'intérêts.

Clause de non-responsabilité

Publisher's note : Copernicus Publications remains neutral with regard to jurisdictional claims in published maps and institutional affiliations.

Déclaration du numéro spécial

This article is part of the special issue ”Hydrology of Large River Basins of Africa”. It is a result of the 4th International Conference on the ”Hydrology of the Great Rivers of Africa”, Cotonou, Benin, 13–20 November 2021.

Remerciements

Ladite étude n'aurait été possible sans les apports multiformes de certaines personnes qu'il convient de remercier ici. Il s'agit notamment des riverains pour les informations fournies, des enquêteurs pour leur aide dans la collecte des données sur le terrains, et des relecteurs pour les critiques et suggestions ayant permis d'améliorer ce manuscrit. Qu'ils trouvent tous en ce travail l'expression de ma profonde gratitude.

Références

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Tchotsoua, M., Fotsing, J.-M., et Moussa, A. : Évaluation des risques d'inondation dans la vallée de la Bénoué en aval du barrage de Lagdo (Cameroun), Actes des JSIRAUF, Hanoi 6–9 novembre 2007, 9 pp., 2007. 

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Short summary
Cet article évalue l'évolution du drainage dans le secteur aval du barrage de Lagdo (Nord Cameroun) quarante ans après sa mise en eau et essaie de mesurer les mutations hydromorphologiques conséquentes dues aux modifications plus ou moins partielles des conditions de drainage. Il en découle que les longueurs d’onde et les amplitudes des méandres n’ont connus que de légères modifications, tandis que la largeur moyenne des sections est régulièrement passée de 121,77 m en 1975 à 169,08 m en 2016.